Ceci n’est pas un humain

Kouka, le géminoïde crée à partir du mannequin japonais Kouka Webb. photo: Dandylan
On entre dans cette salle du Palais de Tokyo. La lumière y est d’un blanc immaculé, à la Matrix. Cette femme vous fixe des yeux. Elle est seule au milieu de la salle. En lisant le cartel, on comprend que c’est un robot.

Son créateur, Hiroshi Ishiguro, est un Dr Frankenstein japonais. Il crée des robots “géminoides”, des humanoïdes crées sur le modèle d’une personne bien vivante. Leur particularité: grâce à des mouvements et des réactions calqués sur leur modèle en direct, les géminoides n’ont pas besoin d’intelligence artificielle particulière. Des sortes de marionnettes en somme. Mais alors, quel est l’intérêt de créer ce genre de machines ? Ishiguro explique sa démarche:

D’où provient la sensation d’une présence, comme le charisme ou l’autorité émanant d’une personne ? Comment peut-on capturer, revivre, transmettre cette présence ? Pour aborder ce problème, nous avons développé un robot androïde basé sur les réactions d’un vrai humain. le géminoïde a l’apparence et les réactions de sa personne-source. Il est étroitement connecté avec son original. […]

Comme l’intelligence artificielle n’a pas encore atteint le niveau d’un cerveau adulte, les robots en général ne peuvent avoir que des réactions basiques. C’est d’ailleurs un problème majeur lorsque l’on veut étudier les interactions humain-robot. Grâce à la facilité de contrôle du géminoïde, il est possible d’éviter ce problème, afin de conduire des recherches sur les échanges humains de haut niveau, notamment l’étude de la présence humaine.

(voir le texte original de Hiroshi Ishiguro)

Ses recherches portent donc davantage sur la psychologie humaine que sur le développement de la robotique en soi. Une brèche s’ouvre sur l’étude de notre relation aux objets. Le fétichisme, l’affectivité, l’animisme touchent tout le genre humain: du doudou à la poupée (gonflable ou non), en passant par les porte-bonheur et grigris en tout genre, s’attacher aux objets semble être un point commun.

hiroshi Ishiguro
Le double de Hiroshi Ishiguro, version métal et silicone. la ressemblance est troublante, même si l’on distingue rapidement le vrai du faux.

Ishiguro lui-même a créé son double robotique. Le géminoide, version moderne du mythe de Narcisse ? Ces questions de rapport à l’objet, d’humanité et d’identité seront posées lors de la journée thématique “Humain trop humain au Palais de Tokyo le samedi 28 février de 16h à minuit.

Samuel Landée