Art in Situ sur la Route des Grands Crus

Image Adobe Stock, par Eleonore H.

Parcours d’art contemporain en Bourgogne

Depuis quelques années, une espèce est venue coloniser les vignobles de France.
Elle apparait sous diverses formes, au milieu des vignes ou dans les chais. Et si les exploitants ne s’en alarment pas, c’est parce que cette créature du nom d’Art Contemporain n’est aucunement nuisible. Loin d’entraver le business florissant du vin, l’art crée une synergie avec celui-ci. Il transforme les châteaux en musées et ajoute une dimension supplémentaire au plaisir de l’œnotourisme. Les vignerons, ces mécènes modernes, ont bien compris l’enjeu : en installant des œuvres dans leurs domaines, ils construisent leur légende et écrivent leur histoire. L’exemple du vignoble champenois, pionnier de ce mélange des genres, fait figure de modèle. Il est devenu naturel d’associer les noms de Pommery ou Ruinart à la crème de la création contemporaine. L’idée a essaimé chez les professionnels du vin comme chez les artistes, désireux de sortir de la stérilité scénographique du white cube. En plein air, les sculptures peuvent prendre leurs aises. Dans les caves, elles se parent de mystère.
Dans tous les cas, un dialogue fécond se crée avec l’environnement.
Pour les amateurs de Bourgogne, l’initiative « Art in situ sur la route des Grands Crus » en parallèle au jeune salon Art Fair Dijon, propose une exploration œnologique et artistique. Parcours d’œuvres de Beaune à Dijon.

Claire et Pierre devant la maison du domaine Chapuis.

Première destination : le village d’Aloxe-Corton, lieu de naissance de grands crus de la côte de Beaune. La famille Chapuis nous accueille sur leur domaine de 11 hectares, transmis de génération en génération depuis 1850. La relève est déjà assurée par Claire et Pierre, les plus jeunes de la famille, déjà à l’œuvre sur le domaine. Fiers de leur enracinement, les Chapuis ont choisi un artiste local pour magnifier leur terroir.
Le sculpteur José Aguirre présente l’un de ses obélisques abstraits d’acier, dont la pointe dorée est un rappel à la robe du Corton-Charlemagne, une appellation mythique de vin blanc. Si ce grand cru porte le nom de l’empereur, c’est que la parcelle où il est produit lui appartenait jadis.

Sculptures de José Aguirre au Chateau de Beaune, chez Bouchard Père & Fils.

Changement de lieu, changement d’échelle, nous retrouvons le domaine de Bouchard Père & Fils qui s’étend sur 130 hectares et rassemble des appellations qui font rêver : Montrachet, Corton-Charlemagne, Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus, Bonnes-Mares, Meursault Perrières… Cette exploitation, l’une des plus anciennes de Bourgogne, conserve un fonds d’archives climatologiques exceptionnel qui a permis le classement des Climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le lien avec l’art, en revanche, ne fait pas encore partie de l’identité de la maison. L’installation de deux œuvres monumentales dans la cour du domaine fut donc un baptême pour les vignerons. Une première réussie puisque les sculptures de José Aguirre et de Ernst Günter Herrmann semblent avoir trouvé leur place naturelle, faisant écho aux toitures du Château de Beaune pour l’une et à l’orthogonalité du jardin à la française pour l’autre. Quant à la sculpture en cèdre brut de Bruno Bienfait, elle orne l’entrée du bâtiment principal en rappelant la forme et l’aspect du cep de vigne.

Sculpture de Ernst Gûnter Herrmann au Chateau de Beaune, chez Bouchard Père & Fils

Notre troisième étape nous amène dans les légendaires caves Patriarche, un domaine-musée où les amateurs peuvent se perdre dans les 5 km de galeries sous-terraines qui conservent quelques 2 millions de bouteilles. Si les deux œuvres qui nous accueillent dans la cour ne semblent pas tout à fait à l’aise (l’on s’attend à plus imposant de la part de Robert Schad et mieux placé pour l’œuvre de Günter Herrmann), le vrai spectacle se trouve à l’intérieur. Dans une magnifique chapelle du XVIIème siècle se trouvent exposées les œuvres de Paola Pezzi et Maurice Frydman, présentés par la galerie Lee Bauwens.

Un des couloirs des caves Patriarche à Beaune.

Puis, lorsque nous nous enfonçons dans les caves du domaine, nous croisons quelques animaux de bronze de Patrick Lang, d’autres pièces de Günter Herrmann et une main de Hans Lemmen semblant surgie du passé moyenâgeux de cet ancien couvent.
Nous finissons en apothéose avec une autre sculpture murale de Paola Pezzi, disque drapé d’or comme un soleil prisonnier de ce sous-terrain.

Oeuvres de Ernst Günter Herrmann (gauche) et Paola Pezzi (droite) dans les caves Patriarche.

Avec ce parcours Art in Situ sur la Route des Grands Crus, la Bourgogne entre pleinement dans le jeu des vignobles d’art. Quelques acteurs présageaient déjà cet avenir : Le Château de Pommard accueillait des expositions et le Consortium de Dijon proposait un rendez-vous estival à Vosne-Romanée. Désormais, Jean-Marc Bassand, directeur d’Art fair Dijon, le salon auquel est associé notre parcours, va plus loin en reliant les pointillés de cette Route des Grands Crus, pour le plus grand plaisir des œnophiles esthètes.

Samuel Landée

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