re-enactment: l’exemple de Marina Abramovic

Marina Abramovic réinterprète une oeuvre de Gina Pane de 1973, The Conditioning, 2005. photo: Tony Cenicola/ The New York Times

Trois questions à Lucile Dupont qui étudie l’Œuvre et la carrière de Marina Abramovic.

Si tu devais expliquer en une phrase ce qu’est la performance artistique, que dirais-tu ?

À la fois mode d’expression artistique, action politique ou culturelle, non-art pour certains ou encore mouvement provocateur pour d’autres, complexe et éphémère avec des faits se situant hors des champs d’expériences habituels, la performance est une esthétique qui transgresse les normes et qui se veut novatrice. Réalisée à une date précise, dans un lieu déterminé, selon une durée limitée, avec un public souvent restreint, la performance cherche avant tout à abolir la distance qui sépare l’œuvre d’art du support qu’est le corps humain.

Parmi les nombreuses formes de performance, il en est une qui consiste à reproduire un geste déjà effectué. Le re-enactement en anglais, se nomme parfois reconstitution artistique dans la langue de Molière. Quel est l’intérêt de refaire ce qui a déjà existé ?

Ce thème du « revivre » permet aux spectateurs d’avoir accès à des œuvres à caractère unique. C’est donner le droit et la possibilité à une œuvre éphémère d’être relue, et donc de la rendre actuelle une deuxième fois, mais dans un contexte diffèrent. En plaçant dans l’actualité artistique certaines performances marquantes d’un autre temps, c’est également permettre une relecture de l’Histoire.

Marina Abramovic réinterprète une oeuvre de Gina Pane de 1973, The Conditioning, 2005. photo: Tony Cenicola/ The New York Times
Marina Abramovic réinterprète The Conditioning (1973) de Gina Pane, 2005. photo: Tony Cenicola/ The New York Times
Tes recherches actuelles portent sur la carrière de Marina Abramovic. Cette célèbre performeuse s’est déjà essayée au re-enactment. Pourrais-tu nous raconter l’un d’eux ?

Marina Abramovic explore avec ardeur le langage de la performance depuis les années 70. En 2005, elle décide de faire un travail artistique, en partant sur le thème du re-enactment, appelé Seven Easy pieces. Il s’agit de reconstituer ou recréer les performances d’artistes célèbres des années 60-70, comme Gina Pane, Vito Acconci, Joseph Beuys, Bruce Nauman et Valie Export, ainsi que deux de ses propres performances. Une performance par jour, sur une durée de sept heures pour chacune, au cours d’une semaine à l’intérieur du musée Guggenheim de New York.

L’œuvre procède d’une double mouvement : celui de sacralisation tout d’abord, car Abramovic remet en jeu ces évènements mythiques que sont les performances des années 60-70, elle les transmet à la manière d’un patrimoine culturel immatériel (un film a d’ailleurs été réalisé sur Seven Easy Pieces). Celui de désacralisation ensuite, car en les rendant accessible à ceux qui les ont raté, elle fait descendre ces œuvres de leur piédestal et prouve leur actualité.

Samuel Landée


Lucile Dupont, chercheuse en Théâtreremerciements @ Lucile Dupont
En quoi les performances de Marina Abramovic se rapprochent du théâtre rêvé d’Antonin Artaud ? C’est la question que se pose Lucile Dupont à travers ses recherches à la Sorbonne Nouvelle.
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