Les deux expositions à voir cet été au Musée Guimet

2 expos à voir l'été 2023 au Musée Guimet
2 expos à voir l’été 2023 au Musée Guimet
Ce printemps, deux expositions entrent en résonnance et font circuler un souffle vital dans le corps du Musée Guimet.
Depuis les Médecines d’Asies, savoirs millénaires exposés au rez de jardin, jusqu’à la proposition spirituelle et ultra-contemporaine de Park Dong-Soo au sommet du bâtiment, la programmation d’été insuffle une nouvelle énergie au Musée Guimet.
Médecines d’Asie, l’art de l’art de l’équilibre

Il faut commencer par descendre au sous-sol du bâtiment pour revenir aux fondements des Médecines d’Asie, intimement liées à leurs philosophies respectives.

Une exposition doublement novatrice, de par son sujet tout d’abord, puisque c’est la première fois en France que l’on consacre une exposition aux trois grandes médecines asiatiques – chinoise, indienne et tibétaine.

C’est aussi une scénographie qui inscrit dans l’espace les principes de ces médecines. La circulation des énergies, communes aux trois médecines est matérialisée par des projections de lumières au sol, invitant le public à se comparer lui-même au qi, le souffle vital chinois, circulant dans le grand organisme qu’est le musée. De façon assez novatrice encore, l’exposition pose un regard hybride sur des objets de toute nature : de nombreuses effigies de divinités côtoient des objets usuels de la médecine, jusqu’à la pharmacopée exposée dans une salle qui reproduit l’ambiance d’un apothicaire aux mille trésors. C’est dans cette salle aussi intimiste que théâtrale que l’on découvre l’infinité des produits utilisés : serpents séchés, champignons, pierres ou onguents… La palette de remèdes est à l’image de la diversité du monde, dont le corps humain est lui-même un reflet.

Une pause méditative, aux côtés d’un impressionnant Bouddha, est proposée au spectateur avant d’entrer dans la salle suivante, consacrée aux médecines de l’âme.

Les rituels, l’astrologie, l’exorcisme, et d’autres pratiques rejetées aujourd’hui dans le champ de la croyance et du folklore étaient autrefois essentielles pour guérir les psychés. Là encore, la scénographie renforce la dimension de transition entre les mondes humain et invisible, lorsque nous entrons dans une alcôve de fils pour découvrir par exemple le chamanisme coréen. Une dernière salle tout en longueur, comme une transition vers les autres espaces du musée, dévoile les intenses échanges entre les médecines occidentales et asiatiques, sous forme d’ouvrages traduits et de pratiques importées comme la dissection, présentée sur un rouleau japonais de la fin d’Edo.

En somme, Yannick Lintz a souhaité faire de cette exposition une métaphore de ses ambitions pour le musée Guimet qu’elle préside depuis peu. Il s’agit de proposer une nouvelle façon d’aller au musée, comme elle le dit avec ces mots :

« Visiter une exposition, consacrer pleinement un temps à la contemplation d’œuvres d’art, n’est-ce pas là une forme de thérapie ? Se laisser aller à des émotions esthétiques, prendre une pause dans l’écoulement frénétique de nos quotidiens surchargés, c’est se donner l’occasion de se faire du bien. »

Yannick Lintz
Présidente du musée national des arts asiatiques – Guimet
Carte blanche à Park Dong-Soo
Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, Musée national des arts asiatiques Guimet
Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, MnaaG.

Faire une pause, créer une parenthèse méditative, c’est aussi l’effet produit par la carte blanche donnée à l’artiste coréen Park Dong-Soo dans la rotonde du Musée Guimet. Il faut cette fois gravir les 4 étages du bâtiment, comme en remontant le long de chakras, pour atteindre le point le plus haut, à l’intérieur de la coupole. C’est dans cette salle circulaire, que l’artiste dévoile un ensemble de tableaux et une installation centrale, signant un retour remarqué sur la scène artistique internationale après une retraite de 15 ans en Corée.

Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, Musée national des arts asiatiques Guimet
Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, MnaaG. photo recadrée.

Surprenante, imposante, une masse d’éléments cubiques répartis au centre de l’espace, souligne parfaitement la circularité de la pièce. Est-ce vraiment une création humaine, la silhouette d’une ville, un enchevêtrement de stèles, ou bien un phénomène naturel comme la Chaussée des Géants ou un volcan prêt à érupter ? Park Dong-Soo, fasciné par les origines de l’univers a souhaité exprimer toute l’intensité du Big-Bang. C’est justement la force brute du chaos primordial à laquelle nous sommes confrontés. Mais ce chaos, déjà, s’organise sous nos yeux : les cubes, tels des cristaux se répartissent selon leur taille, une tour centrale domine une multitude d’éclats alentours, et rien finalement ne dépasse de ce cercle parfait. Il faut se pencher pour apercevoir une infinité de micro-organismes grouillant à la surface du papier hanji, le papier traditionnel coréen, matériau privilégié de l’artiste. De petites traces, de petites taches qui composent tout son travail jusqu’aux peintures murales. Le style de Park Dong-Soo marie deux influences majeures : la filiation artistique coréenne du Dansaekhwa d’une part, mais aussi l’influence des expressionnistes américains et de l’École de Paris. En 18 années de résidence en France, de 1990 à 2008, Park Dong-Soo a ainsi maturé un langage artistique puisant autant dans sa culture d’origine que dans la peinture européenne.

Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, Musée national des arts asiatiques Guimet
Park Dong-Soo, Cette place-là (détail d’oeuvre), 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée © Thierry Ollivier, MnaaG.
Park Dong-Soo, Cette place-là, 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée, crépi sur bois, 207 pièces © Thierry Ollivier, Musée national des arts asiatiques Guimet
Park Dong-Soo, Cette place-là (détail d’oeuvre), 2022, acrylique, papier de riz, encre de Corée © Thierry Ollivier, MnaaG.

C’est donc aussi le sujet des échanges culturels entre Asie et Europe qui se dessine en pointillés à travers la carte blanche de Park Dong Soo. Comme l’exprime Yannick Lintz, « la fascination réciproque que représente l’Asie pour les artistes européens et l’Europe, notamment la France, pour les artistes asiatiques est une histoire qu’il faut que l’on continue de raconter ici, plus que jamais, dans un monde où les tensions se renforcent entre l’Orient et l’Occident. »

Ce sont donc deux expositions qui, outre leur intérêt propre, manifestent les lignes de force qui s’affirmeront probablement au musée Guimet : le dialogue entre l’épaisseur culturelle millénaire et la création la plus contemporaine ; la circulation au sein d’un musée pensé comme un organisme vivant ; la visite d’expositions comme moyen de ressourcement ou de détachement, hors de la frénésie du monde.

Médecines d’Asie, l’art de l’équilibre & la Carte Blanche à Park Dong-Soo, sont à découvrir jusqu’au 18 septembre au Musée Guimet, 6, place d’Iéna 75116 Paris.

Purusha (l’homme cosmique) : représentation du « corps
subtil »
Népal, début du 19ème siècle. Musée Guimet

Purusha (l’homme cosmique) : représentation du « corps
subtil »
Népal, début du 19ème siècle
Détrempe sur toile – H. 159 cm ; l. 95 cm
Mnaag, MA 5171

Amida-nyorai (Amitabha) formant le « sceau de la concentration »
Japon, 19e siècle
Bois doré et peint
H. 143 cm ; D. 117 cm
Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet, Fonds ancien, MG 26296
Photo (C) RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier
Musée Guimet

Amida-nyorai (Amitabha) formant le « sceau de la concentration »
Japon, 19e siècle
Bois doré et peint
H. 143 cm ; D. 117 cm
Paris, Musée national des arts asiatiques – Guimet, Fonds ancien, MG 26296
Photo (C) RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier

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