Rencontres d’Arles les 7 expositions à voir dans le programme officiel

Illustration Rencontres de la photographie Arles
Boris Heger, Site de distribution de nourriture, Abata, Soudan, 2006.
Pour leur 53ème édition, les Rencontres de la Photographie dévoilent un programme sous le signe de la révélation, comme un appel à « voir ce qui nous crève les yeux, mais qui prend tant de temps à apparaître », comme nous l’explique son directeur Christoph Wiesner. Une riche programmation d’une quarantaine d’expositions dans et hors de la ville, organisée autour de 5 actions : Performer, expérimenter, émerger, explorer/témoigner et revisiter. Petit tour d’horizon (non exhaustif) des expos les plus marquantes de cette année.
« Performer » avec l’avant-garde féministe des années 1970

Ce premier verbe nous plonge dans l’ambiance des seventies, marqué par l’essor des performances artistiques. On y découvre pour la première fois en France une sélection de la collection Verbund de Vienne, qui rassemble des clichés de soixante-treize femmes artistes en Europe pendant les années 1970. En précurseures, elles dénonçaient par la performance, avec humour ou violence, une « image de la femme » pétrie de sexisme et en proie aux discriminations. Leur travail est à (re)découvrir à la Mécanique Générale.

Une Avant-garde Féministe, Photographie et performance des années 1970 de la collection Verbund, Vienne. Exposition commissariée par Gabriele Schor. La Mécanique Générale, 33 avenue Victor Hugo, 13200 Arles.

Visage, Providence, Rhode Island, 1975-1976. Avec l’aimable autorisation de The Woodman Family Foundation Artists Right Society (ARS) Bildrecht Verbund Collection, Vienne.

« Revisiter » l’œuvre de Lee Miller et la photo humanitaire
Lee Miller. Petersham sur laine, Vogue Studio, Londres, Angleterre, 1944. © Lee Miller Archives, Angleterre, 2022.

Autre redécouverte, celle d’une artiste complète qui a passé sa carrière dans l’ombre de Man Ray, celui dont elle fut la muse. Il s’agit bien sûr de Lee Miller (1907-1977). L’exposition couvre les années 1932 à 1945, pendant lesquelles elle fut simultanément portraitiste, à la tête de son studio à New York (1932–1934), photographe de mode et de publicité pour des marques de parfums et de cosmétiques (1932–1945), et photoreporter de guerre, notamment reconnue pour ses images des camps de concentration allemands de Dachau et Buchenwald (1942–1945). Une figure de l’histoire de la photo à retrouver à l’Espace Van Gogh.

Lee Miller, photographe professionnelle (1932-1945), Espace Van Gogh, 18 Place Félix-Rey, 13200 Arles. Commissariat : Gaëlle Morel.

Boris Heger, Site de distribution de nourriture, Abata, Soudan, 2006. Avec l’aimable autorisation du CICR.

Les Rencontres de la photographie nous invitent également à « revisiter » les archives de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. L’exposition Un monde à guérir est le fruit de plus de deux ans de recherche au sein des collections de ces deux institutions humanitaires. Révélant un patrimoine resté peu exploré, elle présente plus de six cents images datant de 1850 à nos jours, avant tout produites pour informer de l’urgence de l’action humanitaire, mais parfois aussi plus confidentielles. On y retrouve des grands noms de la photographie, notamment ceux représentés par l’agence Magnum Photos, mais aussi des clichés pris par les travailleurs humanitaires eux-mêmes. Une section spéciale est consacrée au travail d’Alexis Cordesse, qui documente le quotidien de réfugiés ayant fui la Syrie. Un questionnement sur l’imagerie humanitaire, sous le prisme de plusieurs points de vue, à observer au Palais de l’Archevêché.

Un Monde à Guérir, 160 ans de photographie à travers les collections de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Palais de l’Archevêché, 35 Place de la République, 13200 Arles. Commissaires d’exposition : Nathalie Herschdorfer et Pascal Hufschmid.

« Explorer & témoigner » des luttes Sioux et Mapuche
Bruno Serralongue, Gil Kills Pretty Enemy III devant sa maison posant avec ses armes, McLauglin, Dakota du Sud, 21 août 2017, série Les gardiens de l’eau (Water Protectors), 2017

Explorer & témoigner : c’est la démarche de photographes présentés dans plusieurs expositions en hommages aux peuples autochtones du continent Américain. En premier lieu les Indiens Sioux de la réserve de Standing Rock, dans le Dakota du nord (États-Unis), photographiés d’avril à novembre 2016 par Bruno Serralongue. C’est une histoire de David contre Goliath comme on les aime : une communauté de Sioux, rejoints par des militants, ont dressé un camp le long des berges du fleuve Missouri pour s’opposer à l’enfouissement sous le fleuve du Dakota Access Pipeline. Le projet qui menaçait de polluer les habitants en aval a mobilisé les citoyens contre lui : au plus fort de la lutte, 10 000 personnes étaient réunies dans le camp. Fin 2016 les travaux sont suspendus sur la décision du président Obama. Happy end à l’américaine ? c’était sans compter la présidence Trump, qui a ordonné à l’armée de reprendre les travaux. La lutte se poursuit. Elle est à découvrir au Jardin d’été.

Bruno Serralongue, Les Gardiens de l’eau, Jardin d’été, Boulevard des Lices 13200 Arles. Avec la collaboration du Centre National des Arts Plastiques.

Un autre combat, tout aussi asymétrique, est présenté à la Chapelle Saint-Martin du Méjan. Celle du peuple Mapuche pour la biodiversité de leurs forêts, peu à peu grignotées par une monoculture destinée à l’industrie du papier. Les Mapuche, « Peuple de la terre », occupaient cette terre bien avant qu’elle ne s’appelle « Chili ». Leur combat contre l’exploitation et le trafic des ressources est documenté dans cette exposition du collectif Ritual Inhabitual. On y observe la confrontation de deux visions du monde et du pays, dont l’issue se révèle tristement prévisible.

Ritual Inhabitual, Forêts Géométriques. Luttes en Territoire Mapuche, Chapelle Saint Martin du Méjan, Place Nina Berberova, 13200 Arles. Commissariat : Sergio Valenzuela Escobedo.

Paul Filutraru, rappeur du groupe Wechekeche ni Trawün, Santiago du Chili, 2016.

Daniel Jack Lyons. Portrait issu de l'exposition « Comme une rivière », 2022. Prix Louis Roederer, Rencontres de la Photographie, Arles.
« Émerger » sous le patronage du Prix Roederer et du Jimei Photo Festival

La partie « émerger » se révèle des plus intéressantes, avec son cortège de jeunes talents, comme ceux concourant au Prix Louis Roederer 2022. Dix artistes sont exposés dans l’espace emblématique de l’Église des Frères Prêcheurs. L’un ou l’une d’entre eux sera récompensé par le Prix Découverte Louis Roederer quand un ou une deuxième se verra décerné le Prix du Public. Les propositions sont unies par un même commissariat d’exposition, celui de Taous Dahmani qui s’est concentrée, non pas sur une thématique ou un genre, mais sur une attitude. Elle s’intéresse au processus « pré-photographique » : « ce qui motive et fait naître un projet ». Appartenant souvent au domaine de l’intime, le point de départ d’une série peut naitre dans le besoin de surmonter un deuil ou un traumatisme. Parfois encore, c’est la redéfinition de soi-même qui impulse le processus artistique. L’exposition se propose de revenir aux sources de ces projets photographiques. Du personnel à l’universel.

Prix découverte Louis Roederer 2022, Église des Frères Prêcheurs, Impasse Abbé Grégoire, 13200 Arles. Commissariat : Taous Dahmani. Photographes sélectionnés : Debmalya Roy Choudhuri, Rahim Fortune, Olga Grotova, Daniel Jack Lyons, Seif Kousmate, Celeste Leeuwenburg, Gal Cipreste Marinelli & Rodrigo Masina Pinheiro, Akeem Smith, Mika Sperling et Maya Inès Touam.

Ilanit Illouz, Wadi, série Les Dolines, 2016-2021. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Wang Yimo, Sans titre, série Rhapsodie sur Terre, 2021.

Les Rencontrent d’Arles se déploient jusqu’en Chine pour dénicher les talents de demain. C’est dans le Fujian, près de Xiamen que le Jimei x Arles International Photo Festival se produit chaque année, avec à la clef un prix annuel et l’opportunité d’exposer à Arles pour une photographe chinoise. Cette année, la lauréate s’appelle Wang Yimo et propose au public arlésien une plongée sociale dans le passé industriel chinois, avec en toile de fond une centrale électrique désaffectée. Wang Yimo a invité des ouvriers à revenir sur leur lieu de travail, réveillant ainsi des souvenirs de toute une vie. Aux prises de vues sont mêlées des images de synthèse, l’animation dessinant un autre monde pour les travailleurs. Enfin, la vidéo donne à voir une conversation entre l’artiste et sa mère, elle-même ancienne ouvrière. Une oeuvre dont la mélancholie répond aux ruines antiques près desquelles elle est exposée.

Wang Yimo, lauréate du Jimei x Arles Discovery Award 2021, Théâtre Sur Terre, Abbaye de Montmajour, Route de Fontvieille, 13200 Arles. Commissariat : He Guiyan.

Une programmation pléthorique et très féminine, à découvrir à Arles et hors la ville du 11 Juillet au 4 Septembre 2022.

Prochainement, de nouveaux articles sur les expos off, les lieux culturels et les galeries de la ville.

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