5 jeunes photographes à découvrir, parmi les nominés du Prix Louis Roederer

Seif Kousmate. Paysage de l’oasis d’Akka, Akka, Maroc, février 2021, série Waha (Oasis). Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Rencontres de la Photographie, Arles. Prix Louis Roederer, Rencontres de la Photographie, Arles.
Seif Kousmate. Paysage de l’oasis d’Akka, Akka, Maroc, février 2021, série Waha (Oasis). Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Jeunes talents du monde entier, ils ont été sélectionnés par différentes institutions pour concourir au prestigieux Prix Louis Roederer, grand moment des Rencontres d’Arles. En attendant la remise des prix qui récompenseront deux lauréats, les dix projets nominés sont réunis dans une exposition à l’Église des Frères Prêcheurs, sous le commissariat de Taous Dahmani. Sélection subjective de 5 propositions qui nous ont marqué.
Une photographie…
Autobiographique
Debmalya Roy Choudhuri, Vue d’exposition “Une Autobiographie sans faits”, 2022.
Debmalya Roy Choudhuri, « Une Autobiographie sans faits »

Le jeune photographe indien dévoile une série de détails de son quotidien américain. Depuis son enfance, l’artiste a pris l’habitude de photographier sa vie à la première personne, comme certains consignent leur vie par écrit. Ce journal photographique était destiné à rester inexposé, jusqu’à ce que le suicide de son compagnon, resté en Inde, ne vienne bouleverser sa vie. Debmalya utilise alors son travail photographique comme une thérapie introspective en marge de la société : un indien aux États-Unis, homosexuel en son pays, l’artiste exprime une altérité vécue au jour le jour en alternant noir et blanc et couleur, mises en scène et clichés sur le vif.

Debmalya Roy Choudhuri. Derrière le voile, Rockaways, série Une autobiographie sans faits. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Thérapeutique
Rahim Fortune. Vue d’exposition « Je ne supporte pas de te voir pleurer », 2022.
Rahim Fortune, « Je ne supporte pas de te voir pleurer »

Une autre histoire de deuil est proposée par Rahim Fortune, celui de son père malade, visible dans une photo de cette série, qui allie la force du sujet avec celle du noir et blanc. Un choix artistique comme pour révéler la dualité de l’Amérique fracturée dans laquelle l’histoire prend place. Plus précisément, nous sommes dans le Texas contrasté de l’année 2020, celle où le pays fut agité par les luttes raciales suite au décès de George Floyd. La série met en parallèle le processus de cicatrisation personnelle et le besoin de guérison d’une Amérique abimée par la division. Avec un regard documentaire qui mêle photographie et objets exposés, Rahim Fortune fait le choix de parler de sa communauté, montrant la solidarité face à la perte d’un de ses membres.

Rahim Fortune. Vue d’exposition « Je ne supporte pas de te voir pleurer », 2022.
Portraitiste
Daniel Jack Lyons. Vue d’exposition « Comme une rivière », 2022.
Daniel Jack Lyons, « Comme une rivière »

La pratique artistique de ce photographe américain, teintée d’anthropologie, l’a amené jusqu’au cœur de la forêt amazonienne. C’est là, au sein d’une Maison de la jeunesse brésilienne, qu’il a documenté la déshérence d’une génération partagée entre espoirs et désillusions. Le mal-être des personnes queer et trans qu’il portraiture y est palpable, écrasés qu’ils sont par le poids du conservatisme incarné par Jair Bolsonaro et par la menace écologique qui pèse sur la forêt qu’ils habitent. Les images, sont coconstruites en relation avec les modèles, qui proposent à Daniel Jack Lyons leurs poses, leurs mises en scène, leurs attitudes. Le temps de la prise de vue devient alors un temps de liberté, un « espace de respiration » dans un environnement si suffocant.

Daniel Jack Lyons. Portrait issu de l’exposition « Comme une rivière ».
Matissienne
Maya Inès Touam, L’Enfance. La mer, impression jet d’encre sur papier Hahnemüle, 2020
Maya Inès Touam, « Replica »

Que se passe-t-il quand l’héritage artistique d’un grand peintre français comme Henri Matisse est recomposé avec les éléments de la culture algérienne d’origine de Maya Inès Touam ? Des images tout simplement sublimes, natures mortes contemporaines inspirées des tableaux du maître, et portant doté d’une originalité irréductible. Une impression de photographie publicitaire, prises de vue studio et éclairage sophistiqué, en haute définition. Sur des objets africains sortis de leur contexte, simultanément esthétisés et désacralisés. Maya Inès Touam met le doigt sur ce phénomène qui, surtout dans la mode, mais aussi dans certains musées, efface la fonction première des objets et les transforme en sujets de pure délectation du regard. Ce sont aussi des hommages que fait l’artiste aux traditions africaines, en substituant aux objets classiques de la nature morte ces artefacts venus d’ailleurs.

Plasticienne
Seif Kousmate. Paysage de l’oasis d’Akka, Akka, Maroc, février 2021, série Waha (Oasis). Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Seif Kousmate, « Waha (Oasis) »

Ancien ingénieur, Seif Kousmate a progressivement évolué vers une pratique créative de la photographie au contact des oasis (« waha » en arabe) du Maroc, son pays. Natif d’Essaouira, l’artiste se sent particulièrement lié à ces carrefours commerciaux et culturels, refuges de la biodiversité. Il est sensible à leur désertification et au désintérêt qu’ils suscitent. Plutôt qu’une approche documentaire limitante, Seif Kousmate a choisi d’adopter une démarche créative, par l’intervention à l’acide sur les images qu’il photographie et l’inclusion de plantes dans ses compositions. Le résultat : des images d’une beauté nostalgique et troublante.

Seif Kousmate. Vue de l’exposition « Waha (Oasis) », 2022.

Les projets des dix nominés pour le Prix Louis Roederer est à voir à l’Église des Frères Prêcheurs, Impasse Abbé Grégoire, 13200 Arles. Les Prix seront décernés dans la soirée de ce vendredi 8 Juillet.

D’autres articles à suivre très bientôt sur Arles, ses événements, ses institutions et ses galeries.

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